De
nos jours, l’environnement des affaires en Haïti connait une augmentation
accrue de création d’entreprises connues sous le nom de Petites et Moyennes
Entreprises (PME) quasiment présentes dans tous les domaines de la vie économique
nationale. Ces dernières se trouvent très souvent dans une conjoncture où il y
a lieu de répondre à un processus d’appel d’offres qui conduit à l’acquisition de
biens et services connexes, à la réalisation de travaux et à la fourniture de
prestations intellectuelles pour les personnes
morales de droit public. Dans le cadre de ce texte, l’accent sera mis
surtout sur les PME évoluant dans le domaine de la construction en Haiti.
En
réalité, il est fort probable que ces PME, telles qu’elles existent, soient
préoccupées par les profondes évolutions ou transformations du marché
commercial. Si pour certaines, la
question de survie est très préoccupante dans ce monde capitaliste et
concurrentiel où tout bouge, bon nombre d’entreprises se heurtent à de sérieuses
difficultés d’ordre financier, humain, structuro-organisationnel et
matériel […]. Ces difficultés de toutes sortes les empêchent de répondre aux
critères objectifs préalablement portés à leur connaissance et par le fait
même, deviennent de moins en moins de véritables concurrents notamment dans les
appels d’offres nationaux et internationaux. Voilà un problème crucial qui
mérite une réponse adaptée par rapport à la conjoncture difficile que
traversent les PME en Haiti.
Par
ailleurs, il existe des pistes assez intéressantes comme la mutualisation des
entreprises qui s’ouvre à ces dernières et qui mérite d’être exploitée au lieu
de scléroser dans quelques petits privilèges qui ne sont pas à leur avantage en
termes d’adaptation pour passer ce cap difficile. L’une des options à
privilégier est la constitution de groupement d’entreprises. Qu’est-ce qui
explique ou fait que ce mécanisme n’est pas si prisé en Haïti ? N’est-ce
pas par méconnaissance ou par crainte ? Quelles sont les opportunités que
présente ce mécanisme de réseautage ? Au-delà des généralités, voilà en
quelque sorte les questions d’apparence facile qui nous interpellent et auxquelles
nous tenterons classiquement d’apporter certaines précisions.
Méthodologiquement,
il serait nécessaire de faire l’état de la situation avant de montrer les
avantages du mécanisme de réseautage qui est la mutualisation des entreprises.
1-
Difficultés
et obstacles pour les entreprises haïtiennes à répondre efficacement aux appels
d’offres
Comme
il a bien été souligné de manière liminaire, les entreprises haïtiennes
évoluent dans un contexte difficile où elles ont l’impérieux devoir de
s’adapter à la réalité ambiante sans plier l’échine sous l’influence de la
crise financière et économique. Malgré les situations hostiles, elles
s’efforcent bien évidement de participer au processus de la commande publique.
En
fait, n’oublions pas que l’un des principes fondamentaux en droit des marchés
publics est la liberté d’accès à la
commande publique. En effet, ce principe traduit l’idée de compétitivité
puisque tout le monde peut se porter candidat ou soumissionnaire à un processus
d’appel d’offre dans la mesure où l’entreprise a la capacité et la qualité
pour le faire. Ainsi, cette ambiance concurrentielle peut paraître défavorable
à beaucoup d’entreprises haïtiennes pour plusieurs raisons :
A-
Manque
de ressources humaines qualifiées
Il
n’est un secret pour personne qu’il existe une fuite de cerveau en Haïti. Cette
fuite est ressentie depuis la période de transition politique de 1986. C’est
une fuite de cerveau qui n’en finit pas, pour paraphraser le journaliste écrivain
et ex-ministre de la culture et de la communication Raymond DUMAS dans sa rubrique
dans les colonnes du quotidien Le Nouvelliste[1].
Ainsi, il est à noter une certaine accélération qui s’associe à des moments
particuliers lors des turbulences politiques ou de cataclysme naturel, citons
par exemple le lendemain des élections de 1990, le changement de régime de
2004, le passage du tremblement de terre du 12 janvier 2010 […].
Certains
pays du Nord ont profité grandement de cette fuite de cerveau et ont même mis
en place un mécanisme de migration choisie. A ce stade, l’accent est plutôt mis
sur la formation académique, intellectuelle et l’expérience professionnelle des
solliciteurs de visas. Parallèlement, des ouvriers, des maçons, des ferrailleurs ont émigré vers
la République Dominicaine. Qu’est-ce qui constitue la toile de fonds de cette
fuite de cerveau de nos cadres dans certains pays du Nord ainsi que la
migration vers la République voisine et l’Amérique Latine ?
Il
existe également une fuite interne d’ingénieurs civils compétents vers les
ONGs. Ce changement est constaté avec acuité au lendemain de 1986. Avant le
départ du régime Duvaliériste, il était
aisé de pouvoir compter sur les doigts de la main les entreprises haïtiennes de
construction pour la simple et bonne raison que la majorité des ingénieurs
civils étaient casés dans les institutions étatiques tels que les ministères.
Une
migration externe et interne s’est considérablement accentuée au cours de ces
trente (30) dernières années où beaucoup de cadres ont voyagé à l’extérieur à
la recherche de nouvelles opportunités ou vont travailler dans des ONG qui
offrent un meilleur salaire ou encore créent leur propre entreprise. Parlant de
création des entreprises, force est de constater à l’heure actuelle une
pléthore de firmes de construction comme il est curieux de voir ce même phénomène
au niveau des partis politiques. Cette situation de fait est sans nul doute
l’une des causes qui expliquent que le personnel des firmes, malheureusement
c’est le cas chez nous, est parfois réduit aux trois cadres fondateurs. Donc, tout
cela conduit à l’émiettement des entreprises haïtiennes de construction
caractérisé par le rachitisme.
Par
ailleurs, il est d’une importance capitale de souligner l’effort louable de
certains chefs d’entreprise de construction qui se sont mis d’accord pour
former une association dénommée l’Association Haïtienne des Entreprises de Construction
(AHEC), créée en 1993[2].
C’est déjà un pas géant de rassembler leur force en vue de mieux faire face aux
défis; cet exemple a besoin d’être multiplié dans ce pays. De plus, ils ont
élaboré une Charte d’Ethique et d’Intégrité[3]
qui est, en fait, une initiative tout à
fait adéquate ; en outre, ils devront fournir beaucoup plus d’effort s’ils
veulent influencer les décisions des décideurs politiques, des bailleurs de
fonds et gagner la confiance de la communauté.
En
réalité, il semble que les entreprises haïtiennes de construction sont condamnées
à confronter ce manque de personnel qualifié aussi longtemps qu’elles n’auront
pas mis en place une politique dont l’objectif sera de fidéliser leurs
employés-cadres. Ces derniers éprouveront toujours le besoin d’aller sous
d’autres cieux ou de former leurs propres entreprises, s’ils ne sont pas
valorisés par les patrons d’entreprise. Il faut trouver ou inventer une
dynamique dans laquelle les cadres ont beaucoup plus à perdre qu’à gagner en
changeant d’option. A cet effet, les entreprises faisant partie d’AHEC s’engagent
dans leur charte à fournir à leurs employés un milieu de travail propice à leur
plein épanouissement. C’est bien, mais, pas suffisant pour retenir en leur sein
un personnel qualifié qui aspire également à des avantages sociaux. Ce n’est
pas sans raison qu’un ancien Président d’AHEC eut à dire dans un article publié
dans le quotidien LeNouvelliste que « La faible disponibilité de
cadres techniques bien formés à tous les niveaux constitue aussi un handicap
majeur au développement des entreprises locales [4]».
Au cours d’un Séminaire-Atelier organisé par le Ministère de l’Economie et des
Finances sur le secteur de la construction, un haut et ancien directeur de la
Division construction de bâtiments publics à l’Unité de Construction de
Logement de Bâtiments Publics (UCLBP) affirme péremptoirement que :
« les compagnies haïtiennes ne sont pas boycottées dans les appels
d’offres de l’Etat[5] ».
Il croit toutefois qu'elles (les compagnies haïtiennes) ont besoin de se
renforcer par des cadres compétents. C’est la preuve par quatre que les
entreprises haïtiennes de construction souffrent de carence marquée en
personnel qualifié.
Enfin
de compte, il s’y ajoute que la formation des futures cadres provenant des universités
publiques et privées de la place nous semble souffrir d’un déficit de qualité
ces dernières années. Bien malheureusement, l’espace temporel ne nous permet
d’approfondir notre réflexion sur cet aspect.
B-
Manque
de savoir-faire dans la préparation des offres
Très
peu d’entreprises haïtiennes de construction sont en mesure de répondre efficacement
à un appel d’offres et encore moins d’être attributaires des contrats de marchés
publics pour un montant relativement élevé. Cette habilité à répondre
efficacement aux appels d’offres ne peut être acquise qu’à travers des
compétitions entre des firmes de mêmes catégories et un renforcement de
capacités dans le domaine. C’est comme pour le sport en général, football en
particulier, il faut qu’il y ait une compétition pour que les joueurs puissent
donner le meilleur d’eux-mêmes et se fortifier. Jusqu’à aujourd’hui, peu
d’entrepreneurs font confiance au processus d’attribution des marchés et ils
ont dans une certaine mesure raison. Mais le système de passation des marchés
ne peut être fiable sans leur contribution. Chez nous, en Haiti, certaines
personnes responsables des marchés veulent accorder des faveurs pour en tirer
profit et de leur coté, les entrepreneurs préfèrent faire jouer leurs
accointances pour gagner des marchés. « Des deux cotés, le mal est infini » dirait l’autre.
Au
moment d’analyse et d’évaluation des offres par un comité, l’entreprise n’a pas
de représentant pour défendre son offre.
Ainsi donc, l’offre doit être parlante ; en d’autres termes, on doit
retrouver dans l’offre la réponse à toutes les questions posées c'est-à-dire
réputée conforme au document d’appel d’offres (DAO). Conscient de cet aspect,
les entreprises étrangères se font le devoir de soumettre des dossiers bien
présentés.
Fort
souvent, les offres des entreprises haïtiennes ne sont pas signées, présentent des
erreurs arithmétiques, manquent de formulaires types, ne sont pas remplies convenablement ;
des informations sont manquantes ou mal présentées concernant leurs expériences
générales ou spécifiques, des Curriculum Vitae qui ne respectent pas le modèle
présenté dans le document d’appel d’offres. Il arrive même que les exemplaires
d’offres originaux et copies ne soient pas agrafés et scellés ; au final, il
s’agit d’un dossier préparé avec négligence. Cette situation de fait ne met pas
l’évaluateur dans le meilleur état d’esprit pour faire son travail. Certainement,
l’entreprise en paiera les conséquences de ses inconséquences en voyant son
offre écartée ou tout simplement le marché ne lui sera pas attribué.
C-
Faiblesse
de Gestion
Contrairement
à ce qu’on pourrait supposer, l’un des plus grands défis auquel les entreprises
haïtiennes de construction font face est leur faible compétence en matière de
gestion. Beaucoup de ceux qui sont dans le domaine savent que l’une des entreprises
haïtiennes de construction aurait disparu suite à une mauvaise décision
managériale qui consistait à acheter une flotte de camion à benne alors qu’elle
n’avait pas les finances solides pour faire cette acquisition et qu’elle ne
pouvait pas les gérer au mieux. Dans cette même lignée, il n’est pas rare de
trouver des chefs d’entreprise qui confondent l’argent de l’entreprise avec le
leur, c’est le non respect pur et simple du principe de la personnalité de
l’entreprise en matière de comptabilité.
En
dehors d’une entreprise individuelle, une entreprise en nom collectif ou une
société anonyme est dirigée par un conseil composé d’au moins trois membres.
L’histoire de beaucoup d’entreprises de construction ou d’entreprises haïtiennes
tout court relate qu’après une certaine période d’existence un des membres
mènent seul le jeu et éclipse les autres. Dans la majorité des cas des firmes
haïtiennes, la situation est telle que le conseil ne se réunit pas pour prendre
des décisions. A cet effet, la demande du dernier procès verbal de la réunion
du conseil d’administration à un appel
d’offres par le maitre d’ouvrage comme preuve de rencontre des décideurs
pouvait constituer une contrainte majeure pour certaines entreprises haïtienne
de construction. L’idée de faire seul la route dénote notre individualisme
pathologique. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard qu’une enquête conduite sous
l’égide du Ministère du Commerce et de l’Industrie révèle: « Près de
98% des entreprises recensées sur l’ensemble du territoire sont des entreprises
privées. Les entreprises publiques et mixtes représentent 1% et 0.4%
respectivement [6]».
En tout cas, ce qu’il faut retenir est qu’aucune
entreprise ne peut grandir si les principes les plus élémentaires du management
ne sont pas appliqués quotidiennement.
D-
Manque
d’expérience et d’expertise dans le domaine considéré
Il y a
une différence nette à faire entre l’expérience de l’entreprise et celle de son
personnel. Il est plus facile de former une entreprise ayant un personnel avec
une expérience avérée dans tel ou tel domaine. Mais cela ne donne pas ipso facto à l’entreprise la possibilité
de remplir les conditions technico-financières requises dans les dossiers
d’appel d’offres. Pour qu’une entreprise soit choisie pour construire une
route, cela va sans dire qu’elle devrait avoir exécuté des projets de routes
similaires soit en tant que contractant principal ou sous-traitant. C’est au maître
d’ouvrage de fixer comme condition de qualification de l’entreprise le nombre
de projets exécutés requis. Le maître d’ouvrage a aussi la latitude de demander
comme condition à remplir que l’entreprise
ait eu à exécuter des travaux pendant une période donnée pour un montant
de facturation moyenne égale ou supérieure au montant fixé. Par conséquent, une
entreprise qui n’a pas d’expérience dans le domaine ne pourra gagner ces marchés
publics.
Toujours
est-il dans le cadre du séminaire atelier organisé par le Ministère de
l’Economie et des Finances, le même haut responsable de la Division
construction de bâtiments publics à l’Unité de Construction de Logement de
Bâtiments Publics (UCLBP)[7]
eut à dire avec force qu’aucune entreprise haïtienne ne peut gagner un marché
de 50 millions de dollars américains ; il a certainement raison, mais sachant
qu’un appel d’offres peut être considéré comme une stratégie utilisée en vue
d’atteindre des objectifs bien précis, l’assouplissement
des critères technico-financiers pourrait faciliter la participation des PME
haïtiennes. Certainement, on peut bien exclure les firmes haïtiennes en jouant
sur les critères technico-financiers. Est-ce pourquoi, pour éviter un
boycottage, la loi permet l’allotissement des marchés, dans la mesure du
possible, pour que les PME puissent participer et gagner des parts de marchés
publics.
Pour un
tel marché, le Maître d’ouvrage peut bien demander aux entreprises
soumissionnaires de prouver qu’elles ont exécuté ces cinq dernières années des
travaux totalisant une facturation moyenne qui peut varier entre cinquante (50) million et soixante quinze
(75) millions de Dollars Américains. Pour remplir cette condition, une
entreprise doit avoir exécuter des travaux pour au moins dix (10) à (15) millions
de Dollars Américains en moyenne par année durant les cinq (5) dernières
années. La logique est que la personne responsable du marché ne peut pas attribuer un contrat de marché public à une
entreprise si celle-là n’est pas sûre que celle-ci puisse l’exécuter selon les
règles de l’art et qu’elle ait l’habitude d’exécuter des marchés de même
envergure.
Dans un
pays où l’économie est tantôt stagnante, tantôt en régression ou tantôt à faible croissance, les marchés de
travaux de construction ne progressent pas ou progressent en dents de scie. Il
est dit que quand les constructions vont bien, l’économie va aussi bien. Ces
aléas font que les entreprises haïtiennes ne sont pas en mesure de concurrencer
avec les firmes étrangères et particulièrement celles venues de la République
Dominicaine. Cependant, pour y remédier, il revient aux autorités d’adopter des
politiques qui puissent favoriser l’émergence d’entreprises de construction
capables de gagner des marchés publics de l’ordre de cinquante (50) millions de
Dollars Américains en Haïti ou dans la région.
De ce
point de vue, l’Etat haïtien comme d’autres Etats l’ont fait ou continuent de
le faire doit fixer des contraintes ou des mécanismes afin que les entreprises
étrangères pour gagner des marchés publics s’associent de façon effective aux
firmes haïtiennes pour former des groupements d’entreprise ou de les avoir
comme sous-traitants. D’autant plus, légalement, l’entreprise étrangère peut
sous-traiter avec une ou des firmes locales qualifiées jusqu’au 40% du montant
de son offre selon les dispositions de l’article 25-1 (loi du 10 juin 2009
fixant les règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de
concession d’ouvrage de service public).
E-
Accès
difficile aux crédits
Les
entreprises de construction sont pour la majorité des PME, elles sont
caractérisées par un faible niveau d’accès au système financier national. Le
coût du loyer de l’argent en Haïti est certainement très élevé ; par
conséquent, ces entreprises ont accès difficilement aux crédits puisqu’elles ne
remplissent pas généralement les conditions requises pour l’obtention de ces
derniers. D’autant plus, le marché de construction est aléatoire ; en
fait, il est des périodes où le marché de construction est stagnant exception
faite des constructions résidentielles. De ce fait, les entreprises haïtiennes
ne bénéficient pas d’une longue période d’activités et par conséquent ne
peuvent satisfaire des conditions de remboursement de prêt à long terme.
Face à
une telle conjoncture, beaucoup d’institutions financières volent au secours
des PME en instituant des programmes de développement et de promotion.
Cependant, les conditionnalités des prêts constituent très souvent un
obstacle pour les PME, c’est le cas des
demandes de garantie, de cash collatéraux, de titre de propriété pour octroyer
des crédits aux entreprises sans compter la réticence des institutions
créancières à financer les Start-up[8].
Les
banques haïtiennes exigent de ces entreprises des garanties collatérales pour
leur faire des crédits. Il existe des entrepreneurs qui vont jusqu’à
hypothéquer leurs propres biens ou possessions pour trouver un prêt bancaire.
De ce fait une bonne part du profit tiré de l’exécution du projet quelconque
est grignotée ou partagée avec la banque. L’accumulation de capitaux en terme
financier et d’équipement ne peut être faite dans de telles conditions. Par
conséquent, les entreprise haïtiennes ne peuvent se développer au fil des ans
jusqu’à dépasser les frontières d’Haïti. A ce titre, les entreprises haïtiennes
pourraient toujours bien rentrer en compétition avec les entreprises de
construction de la région considérant qu’Haiti est membre de certaines
associations régionales comme la CARICOM. Cependant, une telle volonté restera
un vœu pieux si ces entreprises haïtiennes ne répondent pas aux normes
internationales.
F-
Faiblesse
de Trésorerie
Du fait
de leur faiblesse en trésorerie, les entreprises haïtiennes éprouvent beaucoup
de difficultés à fournir les garanties exigées. Quelles sont les garanties
exigées ? Elles sont généralement au nombre de quatre (4) à savoir : garantie de
soumission, garantie d’avance de démarrage, garantie de bonne exécution et
rarement garantie décennale. Toutes ces garanties sont délivrées, à l’exception
de la retenue de garantie, par des institutions financières telles que banques
et compagnies d’assurance. La retenue de garantie comme son nom l’indique est
une déduction faite à chaque fois qu’on paie les décomptes des travaux réalisés
par les firmes et qui sera libérée à la réception définitive des travaux.
Pendant
la soumission de l’offre, l’autorité contractante peut réclamer de l’entreprise
soumissionnaire une garantie de soumission qui peut être un chèque de direction
ou certifié de l’ordre d’un certain pourcentage de la soumission par exemple 1
à 3% du budget prévisionnel (réf : Art. 154 Arrêté précisant les modalités
d’application loi du 10 juin 2009 fixant
les règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de
concession d’ouvrage de service public). Pour débuter les travaux, l’entreprise
attributaire doit donner une garantie bancaire égale au montant de l’avance.
Cette avance peut être fixée à 20 % du
montant du marché. Dans le cas de marché à forte importation de biens, on peut
aller jusqu’à 60 % du montant du marché. Il s’agit bien d’une garantie bancaire
que les banques commerciales de la place ne délivrent pas sans collatéral et
dont les PME ne disposent pas très souvent.
De
plus, il est requis de fournir une garantie de bonne exécution devant sécuriser
le respect des normes du marché et le paiement des fournisseurs de biens et
services en cas de défaillances de l’entreprise. Elle varie de 5% à 10% du
montant du marché. Si les Banques commerciales réclament, généralement, un
collatéral élevé pour émettre ce document, les Compagnies d’assurances exigent
qu’un pourcentage moindre soit déposée avant de donner suite à la demande de
l’entreprise.
L’avance
de démarrage peut ne pas répondre suffisamment aux besoins de l’entreprise
compte tenu des dépenses à faire au début du démarrage des travaux. Dans ces
conditions, une ligne de crédit bancaire s’avère nécessaire en vue d’un
démarrage effectif des activités et garantie la poursuite des travaux même
lorsque pour une raison quelconque l’entreprise n’est pas payée pendant
quelques mois. En principe, même s’il y a un problème de paiement, les travaux
ne doivent pas s’arrêter.
En fin
de compte, la retenue de garantie vient réduire d’avantage les liquidités des
entreprises. Elle est fixée entre 5 % et 10 % du marché.
Les
garanties sont indispensables pour le maitre d’ouvrage mais constitue un
fardeau que les petites et moyennes
entreprises de construction en Haïti arrivent difficilement à supporter. Il
reviendrait donc à l’État de mettre en place une politique qui consiste à
fournir l’accompagnement approprié aux entreprises nationales qualifiées. L’un
des objectifs de cette politique serait la création d’un Fonds de garantie apte
à servir de collatéral à leurs opérations de financement des marchés comme bon
nombre du secteur le croient.
G-
Indisponibilité des équipements lourds de construction
Le manque d’équipements lourds a toujours
été un sérieux problème pour les entreprises haïtiennes de construction. Il leur est difficile souvent de trouver,
même en location, les équipements lourds de construction indispensables dont
elles ont besoin pour la poursuite de
leurs activités de chantier. Des retards dans l’avancement des travaux peuvent certainement en découler.
En réalité, dans le secteur de la construction,
il fait obligation aux firmes de démontrer qu’elles peuvent assurer la mise à
disposition en temps voulu (qu’elles possèdent, louent, prennent à bail, [...])
des équipements lourds et matériels essentiels comme : engins de démolition, de terrassement et de
déblaiement, véhicules légers et camions, matériel et outillage pour travaux en
PEHD. Pour cela, les firmes doivent avoir une certaine facilité.
Un parc en équipements accessibles aux
entrepreneurs parait être une solution à ce problème. L’important c’est de
rendre disponibles les engins lourds aux entreprises. Les modalités importent
peu qu’il soit du type Centre National d’Equipement (CNE) repensé ou autre,
pourvu que cela marche.
Voila en quelque sorte des conjonctures
désavantageuses qui jonchent l’espace de fonctionnement des PME haïtiennes.
Cependant, le mécanisme de mutualisation peut les aider à passer ce moment
difficile en ce sens qu’il pourrait apporter une bouffée d’air frais permettant
aux entreprises de combler certaines lacunes lors de l’étape de la soumission à
un dossier d’appel d’offres.
2-
L’esprit
de la « mutualisation des entreprises »
Aujourd’hui,
l’heure est à l’innovation et à la créativité qui constituent
un formidable bouclier surtout dans un milieu hostile à l’investissement. Puisqu’il
en est ainsi, les entreprises haïtiennes doivent être créatives, efficaces et
efficientes pour pouvoir conserver ou développer leur compétitivité. Pour ce,
il leur faut une capacité d’adaptation, l’un de leur atout majeur pouvant
garantir leur survie. C’est dans cette perspective que nous circonscrivons le
sens de la thématique « mutualisation des entreprises »
La mutualisation, selon l’auteur Brigitte DUJARDIN, est un
néologisme qui traduit l’idée de « mise en commun des moyens qui répond d’abord à une logique
économique[9] ».
De cette définition, il est facile de comprendre, dans le cas nous concernant,
que la mutualisation des entreprises ne saurait être que la mise en commun de
leurs moyens et leurs compétences lors d’une réponse à un appel d’offre. Dans
cette lignée, les entreprises se regroupent dans un esprit partenarial et à des
fins de partage des bénéfices. Alors, les termes classiques utilisés pour
traduire cette réalité est le « Groupement d’entreprises ou la
Cotraitance et la sous-traitance» qui sont identifiés comme l’un des mécanismes de
promotion des PME au niveau des
dispositions de la loi du 10 juin 2009 fixant les règles générales relatives
aux marchés publics et aux conventions de concession d’ouvrage de service
public.
D’entrée
en jeu et dans le souci d’être plus clair, il est de bon ton de distinguer la
Cotraitance de la sous-traitance, car les deux ne renvoient pas à la même
réalité ou logique juridique et organisationnelle. En fait, si la
sous-traitance est le fait pour un titulaire d’un contrat de marchés publics de
confier certaines parties de l’exécution du marché à une entreprise avec
l’autorisation de l’autorité contractante[10];
la Cotraitance ou groupement d’entreprises traduit de préférence la situation
dans laquelle plusieurs candidats se rejoignent pour concourir à l’obtention
des marchés publics[11].
Dans le cadre de ce texte, c’est la Cotraitance qui nous intéresse et qui en fait
l’objet.
3-
Catégorisation du Groupement d’entreprises au sens de la
législation haïtienne
Suivant les termes de la loi du 10 juin 2009
fixant les règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de
concession d’ouvrage de service public, il existe deux formes de groupement
d’entreprises : groupement solidaire
et groupement conjoint.
Dans
le cas de groupement conjoint, chacun des membres s’engage à exécuter une ou
plusieurs parties du marché clairement identifiées quant à leur nature et leur
prix, sans encourir de responsabilité quant à l’exécution des autres parties du
marché (Cf. Article 24.2 de la loi du 10 juin 2009).
Par
contre, le groupement solidaire renvoie à l’idée où chacun
des membres s’engage pour la totalité du marché. En ce sens que chaque membre
doit pallier à une éventuelle défaillance de ses partenaires au cours de l’exécution
du contrat (Cf. Article 24.1 de la loi du 10 juin 2009).
Cet
aménagement de la législation haïtienne sur la passation des marchés
publics, aussi souple qu’il soit, constitue un facteur non négligeable pour la
promotion et le développement des Petites et Moyennes Entreprises (PME) tenant
compte des difficultés de toutes sortes auxquelles ces dernières font face.
4-
Opportunités
pour les entreprises haïtiennes de construction de se regrouper
Il
est intéressant, sommairement, d’identifier quelques avantages pour une
entreprise de soumissionner sous forme de groupement solidaire ou conjoint dans
le cadre d’une réponse à un appel d’offres.
In limine litis,
il convient de faire remarquer que la législation haïtienne en matière de
passation des marchés publics ouvre librement la voie, vraiment sans aucune
condition préalable, aux entrepreneurs, aux fournisseurs et aux prestataires de
service de présenter leur candidature ou de soumettre leur offre sous forme de
groupement sous réserve de respecter les règles interdisant les entraves à la
concurrence. Donc, c’est à l’entreprise de choisir de soumissionner seul ou en
groupement.
Alors,
être en groupement permet une réduction des coûts financiers relatifs à la
participation aux procédures et une simplification des difficultés au
cours de la phase d’exécution des travaux ou réalisation des prestations puisqu’il
y a la mise en commun des moyens financiers, humains et des compétences des
entreprises.
Ensuite,
la mutualisation permet de répondre aux exigences de « qualité de
service » et facilite la réactivité de l’entreprise dans un temps record.
Du coup, cela permet aussi aux entreprises de participer aux achats publics
complexes. Enfin, il va s’en dire que la
mutualisation peut entraîner la pérennisation des entreprises en difficulté ou
en recherche d’optimisation.
Voyant l’état déplorable et considérant
les difficultés de toutes sortes auxquelles sont confrontées quotidiennement
les entreprises haïtiennes, il est clair que ces dernières sont prises dans une
spirale d’échec et qu’il leur est difficile de s’en sortir ; si bien que
cela fait longtemps qu’elles pataugent dans ce marasme. Aujourd’hui, le
développement du secteur de la construction repose sur le dos des entreprises haïtiennes.
De ce fait, il revient aux entrepreneurs de prendre les décisions adéquates et
à l’Etat de bien définir la politique d’achat public ou commande publique comme
un levier au service du développement économique du pays. Car, c’est dans une
mise en commun des capacités de tous les acteurs que le pays trouvera le chemin
du développement durable et de la bonne gouvernance.
Alix AURELIEN, Ing. Msc.
Expert en passation de Marchés
et Spécialiste en irrigation
Email : aaurelien2003@yahoo.fr
Me. Ronaldo JOANIS, SPM
Professeur
de Droit des Marchés Publics (Université Notre Dame d’Haiti)
Juriste
publiciste (spécialisé en Droit Public)
Email:
ronaldojoanis@gmail.com
[2] Lionel J DUVALSAINT : « Le processus de Passation des marchés et l’exécution
des Contrats de construction »,
texte publié au quotidien LeNouvelliste en mars 2012 et disponible sur le
site : http://www.haitinumerique.com/Le-processus-de-Passation-des.html?lang=fr,
consulté le 05/04/2014
[3] Charte
d’éthique et d’intégrité, disponible sur le portail de l’AHEC : http://www.ahec.org.ht/#, consulté le
05/04/2014
[5]
Les firmes haïtiennes n’inspirent-elles pas confiance ?, disponible sur le
site LeNouvelliste : http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/129020/Les-firmes-haitiennes-ninspirent-elles-pas-confiance.html,
consulté le 05/04/2014
[6] Rapports préliminaires de l’enquête sur les PME
en Haiti, rendus publics en janvier 2014 et disponibles su MCI
[7] Les
firmes haïtiennes n’inspirent-elles pas confiance ?, disponible sur le
site LeNouvelliste : http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/129020/Les-firmes-haitiennes-ninspirent-elles-pas-confiance.html,
consulté le 05/04/2014
[9] Dujardin,
Brigitte. « Mutualiser pour répondre à de nouveaux besoins ». Bulletin des bibliothèques de France [en ligne],
n° 5, 2006 [consulté le 19 mars 2014]. Disponible sur le Web : <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2006-05-0101-010>.
ISSN 1292-8399.
[10] Article 25 de la loi du 10 juin 2009 fixant les
règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de concession
d’ouvrage de service public ; disponible sur le portail de la CNMP :
(http://www.cnmp.gouv.ht/)
[11]
Article 24 de la même loi.
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