mercredi 28 janvier 2015

La mutualisation des entreprises haïtiennes de construction pour gagner les marchés publics : une option à privilégier

De nos jours, l’environnement des affaires en Haïti connait une augmentation accrue de création d’entreprises connues sous le nom de Petites et Moyennes Entreprises (PME) quasiment présentes dans tous les domaines de la vie économique nationale. Ces dernières se trouvent très souvent dans une conjoncture où il y a lieu de répondre à un processus d’appel d’offres qui conduit à l’acquisition de biens et services connexes, à la réalisation de travaux et à la fourniture de prestations intellectuelles pour les personnes morales de droit public. Dans le cadre de ce texte, l’accent sera mis surtout sur les PME évoluant dans le domaine de la construction en Haiti.

En réalité, il est fort probable que ces PME, telles qu’elles existent, soient préoccupées par les profondes évolutions ou transformations du marché commercial. Si pour certaines,  la question de survie est très préoccupante dans ce monde capitaliste et concurrentiel où tout bouge, bon nombre d’entreprises  se heurtent à de sérieuses difficultés d’ordre financier, humain, structuro-organisationnel et matériel […]. Ces difficultés de toutes sortes les empêchent de répondre aux critères objectifs préalablement portés à leur connaissance et par le fait même, deviennent de moins en moins de véritables concurrents notamment dans les appels d’offres nationaux et internationaux. Voilà un problème crucial qui mérite une réponse adaptée par rapport à la conjoncture difficile que traversent les PME en Haiti.

Par ailleurs, il existe des pistes assez intéressantes comme la mutualisation des entreprises qui s’ouvre à ces dernières et qui mérite d’être exploitée au lieu de scléroser dans quelques petits privilèges qui ne sont pas à leur avantage en termes d’adaptation pour passer ce cap difficile. L’une des options à privilégier est la constitution de groupement d’entreprises. Qu’est-ce qui explique ou fait que ce mécanisme n’est pas si prisé en Haïti ? N’est-ce pas par méconnaissance ou par crainte ? Quelles sont les opportunités que présente ce mécanisme de réseautage ? Au-delà des généralités, voilà en quelque sorte les questions d’apparence facile qui nous interpellent et auxquelles nous tenterons classiquement d’apporter certaines précisions.

Méthodologiquement, il serait nécessaire de faire l’état de la situation avant de montrer les avantages du mécanisme de réseautage qui est la mutualisation des entreprises.

1-    Difficultés et obstacles pour les entreprises haïtiennes à répondre efficacement aux appels d’offres

Comme il a bien été souligné de manière liminaire, les entreprises haïtiennes évoluent dans un contexte difficile où elles ont l’impérieux devoir de s’adapter à la réalité ambiante sans plier l’échine sous l’influence de la crise financière et économique. Malgré les situations hostiles, elles s’efforcent bien évidement de participer au processus de la commande publique.

En fait, n’oublions pas que l’un des principes fondamentaux en droit des marchés publics est la liberté d’accès à la commande publique. En effet, ce principe traduit l’idée de compétitivité puisque tout le monde peut se porter candidat ou soumissionnaire à un processus d’appel d’offre dans la mesure où l’entreprise a la capacité et la qualité pour le faire. Ainsi, cette ambiance concurrentielle peut paraître défavorable à beaucoup d’entreprises haïtiennes pour plusieurs raisons :

A-   Manque de ressources humaines qualifiées
Il n’est un secret pour personne qu’il existe une fuite de cerveau en Haïti. Cette fuite est ressentie depuis la période de transition politique de 1986. C’est une fuite de cerveau qui n’en finit pas, pour paraphraser le journaliste écrivain et ex-ministre de la culture et de la communication Raymond DUMAS dans sa rubrique dans les colonnes du quotidien Le Nouvelliste[1]. Ainsi, il est à noter une certaine accélération qui s’associe à des moments particuliers lors des turbulences politiques ou de cataclysme naturel, citons par exemple le lendemain des élections de 1990, le changement de régime de 2004, le passage du tremblement de terre du 12 janvier 2010 […].

Certains pays du Nord ont profité grandement de cette fuite de cerveau et ont même mis en place un mécanisme de migration choisie. A ce stade, l’accent est plutôt mis sur la formation académique, intellectuelle et l’expérience professionnelle des solliciteurs de visas. Parallèlement, des ouvriers, des maçons, des ferrailleurs ont émigré vers la République Dominicaine. Qu’est-ce qui constitue la toile de fonds de cette fuite de cerveau de nos cadres dans certains pays du Nord ainsi que la migration vers la République voisine et l’Amérique Latine ?

Il existe également une fuite interne d’ingénieurs civils compétents vers les ONGs. Ce changement est constaté avec acuité au lendemain de 1986. Avant le départ du régime Duvaliériste,  il était aisé de pouvoir compter sur les doigts de la main les entreprises haïtiennes de construction pour la simple et bonne raison que la majorité des ingénieurs civils étaient casés dans les institutions étatiques tels que les ministères.

Une migration externe et interne s’est considérablement accentuée au cours de ces trente (30) dernières années où beaucoup de cadres ont voyagé à l’extérieur à la recherche de nouvelles opportunités ou vont travailler dans des ONG qui offrent un meilleur salaire ou encore créent leur propre entreprise. Parlant de création des entreprises, force est de constater à l’heure actuelle une pléthore de firmes de construction comme il est curieux de voir ce même phénomène au niveau des partis politiques. Cette situation de fait est sans nul doute l’une des causes qui expliquent que le personnel des firmes, malheureusement c’est le cas chez nous, est parfois réduit aux trois cadres fondateurs. Donc, tout cela conduit à l’émiettement des entreprises haïtiennes de construction caractérisé par le rachitisme.

Par ailleurs, il est d’une importance capitale de souligner l’effort louable de certains chefs d’entreprise de construction qui se sont mis d’accord pour former une association dénommée l’Association Haïtienne des Entreprises de Construction (AHEC), créée en 1993[2]. C’est déjà un pas géant de rassembler leur force en vue de mieux faire face aux défis; cet exemple a besoin d’être multiplié dans ce pays. De plus, ils ont élaboré une Charte d’Ethique et d’Intégrité[3] qui est, en fait, une  initiative tout à fait adéquate ; en outre, ils devront fournir beaucoup plus d’effort s’ils veulent influencer les décisions des décideurs politiques, des bailleurs de fonds et gagner la confiance de la communauté.

En réalité, il semble que les entreprises haïtiennes de construction sont condamnées à confronter ce manque de personnel qualifié aussi longtemps qu’elles n’auront pas mis en place une politique dont l’objectif sera de fidéliser leurs employés-cadres. Ces derniers éprouveront toujours le besoin d’aller sous d’autres cieux ou de former leurs propres entreprises, s’ils ne sont pas valorisés par les patrons d’entreprise. Il faut trouver ou inventer une dynamique dans laquelle les cadres ont beaucoup plus à perdre qu’à gagner en changeant d’option. A cet effet, les entreprises faisant partie d’AHEC s’engagent dans leur charte à fournir à leurs employés un milieu de travail propice à leur plein épanouissement. C’est bien, mais, pas suffisant pour retenir en leur sein un personnel qualifié qui aspire également à des avantages sociaux. Ce n’est pas sans raison qu’un ancien Président d’AHEC eut à dire dans un article publié dans le quotidien  LeNouvelliste que « La faible disponibilité de cadres techniques bien formés à tous les niveaux constitue aussi un handicap majeur au développement des entreprises locales [4]». Au cours d’un Séminaire-Atelier organisé par le Ministère de l’Economie et des Finances sur le secteur de la construction, un haut et ancien directeur de la Division construction de bâtiments publics à l’Unité de Construction de Logement de Bâtiments Publics (UCLBP) affirme péremptoirement que : « les compagnies haïtiennes ne sont pas boycottées dans les appels d’offres de l’Etat[5] ». Il croit toutefois qu'elles (les compagnies haïtiennes) ont besoin de se renforcer par des cadres compétents. C’est la preuve par quatre que les entreprises haïtiennes de construction souffrent de carence marquée en personnel qualifié.

Enfin de compte, il s’y ajoute que la formation des futures cadres provenant des universités publiques et privées de la place nous semble souffrir d’un déficit de qualité ces dernières années. Bien malheureusement, l’espace temporel ne nous permet d’approfondir notre réflexion sur cet aspect.

B-   Manque de savoir-faire dans la préparation des offres

Très peu d’entreprises haïtiennes de construction sont en mesure de répondre efficacement à un appel d’offres et encore moins d’être attributaires des contrats de marchés publics pour un montant relativement élevé. Cette habilité à répondre efficacement aux appels d’offres ne peut être acquise qu’à travers des compétitions entre des firmes de mêmes catégories et un renforcement de capacités dans le domaine. C’est comme pour le sport en général, football en particulier, il faut qu’il y ait une compétition pour que les joueurs puissent donner le meilleur d’eux-mêmes et se fortifier. Jusqu’à aujourd’hui, peu d’entrepreneurs font confiance au processus d’attribution des marchés et ils ont dans une certaine mesure raison. Mais le système de passation des marchés ne peut être fiable sans leur contribution. Chez nous, en Haiti, certaines personnes responsables des marchés veulent accorder des faveurs pour en tirer profit et de leur coté, les entrepreneurs préfèrent faire jouer leurs accointances pour gagner des marchés. « Des deux cotés, le mal est infini » dirait l’autre.

Au moment d’analyse et d’évaluation des offres par un comité, l’entreprise n’a pas de représentant pour défendre  son offre. Ainsi donc, l’offre doit être parlante ; en d’autres termes, on doit retrouver dans l’offre la réponse à toutes les questions posées c'est-à-dire réputée conforme au document d’appel d’offres (DAO). Conscient de cet aspect, les entreprises étrangères se font le devoir de soumettre des dossiers bien présentés.

Fort souvent, les offres des entreprises haïtiennes ne sont pas signées, présentent des erreurs arithmétiques, manquent de formulaires types, ne sont pas remplies convenablement ; des informations sont manquantes ou mal présentées concernant leurs expériences générales ou spécifiques, des Curriculum Vitae qui ne respectent pas le modèle présenté dans le document d’appel d’offres. Il arrive même que les exemplaires d’offres originaux et copies ne soient pas agrafés et scellés ; au final, il s’agit d’un dossier préparé avec négligence. Cette situation de fait ne met pas l’évaluateur dans le meilleur état d’esprit pour faire son travail. Certainement, l’entreprise en paiera les conséquences de ses inconséquences en voyant son offre écartée ou tout simplement le marché ne lui sera pas attribué.

C-   Faiblesse de Gestion

Contrairement à ce qu’on pourrait supposer, l’un des plus grands défis auquel les entreprises haïtiennes de construction font face est leur faible compétence en matière de gestion. Beaucoup de ceux qui sont dans le domaine savent que l’une des entreprises haïtiennes de construction aurait disparu suite à une mauvaise décision managériale qui consistait à acheter une flotte de camion à benne alors qu’elle n’avait pas les finances solides pour faire cette acquisition et qu’elle ne pouvait pas les gérer au mieux. Dans cette même lignée, il n’est pas rare de trouver des chefs d’entreprise qui confondent l’argent de l’entreprise avec le leur, c’est le non respect pur et simple du principe de la personnalité de l’entreprise en matière de comptabilité.

En dehors d’une entreprise individuelle, une entreprise en nom collectif ou une société anonyme est dirigée par un conseil composé d’au moins trois membres. L’histoire de beaucoup d’entreprises de construction ou d’entreprises haïtiennes tout court relate qu’après une certaine période d’existence un des membres mènent seul le jeu et éclipse les autres. Dans la majorité des cas des firmes haïtiennes, la situation est telle que le conseil ne se réunit pas pour prendre des décisions. A cet effet, la demande du dernier procès verbal de la réunion du conseil  d’administration à un appel d’offres par le maitre d’ouvrage comme preuve de rencontre des décideurs pouvait constituer une contrainte majeure pour certaines entreprises haïtienne de construction. L’idée de faire seul la route dénote notre individualisme pathologique. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard qu’une enquête conduite sous l’égide du Ministère du Commerce et de l’Industrie révèle: « Près de 98% des entreprises recensées sur l’ensemble du territoire sont des entreprises privées. Les entreprises publiques et mixtes représentent 1% et 0.4% respectivement [6]».

En tout cas, ce qu’il faut retenir est qu’aucune entreprise ne peut grandir si les principes les plus élémentaires du management ne sont pas appliqués quotidiennement.

D-   Manque d’expérience et d’expertise dans le domaine considéré

Il y a une différence nette à faire entre l’expérience de l’entreprise et celle de son personnel. Il est plus facile de former une entreprise ayant un personnel avec une expérience avérée dans tel ou tel domaine. Mais cela ne donne pas ipso facto à l’entreprise la possibilité de remplir les conditions technico-financières requises dans les dossiers d’appel d’offres. Pour qu’une entreprise soit choisie pour construire une route, cela va sans dire qu’elle devrait avoir exécuté des projets de routes similaires soit en tant que contractant principal ou sous-traitant. C’est au maître d’ouvrage de fixer comme condition de qualification de l’entreprise le nombre de projets exécutés requis. Le maître d’ouvrage a aussi la latitude de demander comme condition à remplir que l’entreprise  ait eu à exécuter des travaux pendant une période donnée pour un montant de facturation moyenne égale ou supérieure au montant fixé. Par conséquent, une entreprise qui n’a pas d’expérience dans le domaine ne pourra gagner ces marchés publics.

Toujours est-il dans le cadre du séminaire atelier organisé par le Ministère de l’Economie et des Finances, le même haut responsable de la Division construction de bâtiments publics à l’Unité de Construction de Logement de Bâtiments Publics (UCLBP)[7] eut à dire avec force qu’aucune entreprise haïtienne ne peut gagner un marché de 50 millions de dollars américains ; il a certainement raison, mais sachant qu’un appel d’offres peut être considéré comme une stratégie utilisée en vue d’atteindre des objectifs bien précis,  l’assouplissement des critères technico-financiers pourrait faciliter la participation des PME haïtiennes. Certainement, on peut bien exclure les firmes haïtiennes en jouant sur les critères technico-financiers. Est-ce pourquoi, pour éviter un boycottage, la loi permet l’allotissement des marchés, dans la mesure du possible, pour que les PME puissent participer et gagner des parts de marchés publics.

Pour un tel marché, le Maître d’ouvrage peut bien demander aux entreprises soumissionnaires de prouver qu’elles ont exécuté ces cinq dernières années des travaux totalisant une facturation moyenne qui peut varier entre  cinquante (50) million et soixante quinze (75) millions de Dollars Américains. Pour remplir cette condition, une entreprise doit avoir exécuter des travaux pour au moins dix (10) à (15) millions de Dollars Américains en moyenne par année durant les cinq (5) dernières années. La logique est que la personne responsable du marché ne peut pas  attribuer un contrat de marché public à une entreprise si celle-là n’est pas sûre que celle-ci puisse l’exécuter selon les règles de l’art et qu’elle ait l’habitude d’exécuter des marchés de même envergure.

Dans un pays où l’économie est tantôt stagnante, tantôt en régression  ou tantôt à faible croissance, les marchés de travaux de construction ne progressent pas ou progressent en dents de scie. Il est dit que quand les constructions vont bien, l’économie va aussi bien. Ces aléas font que les entreprises haïtiennes ne sont pas en mesure de concurrencer avec les firmes étrangères et particulièrement celles venues de la République Dominicaine. Cependant, pour y remédier, il revient aux autorités d’adopter des politiques qui puissent favoriser l’émergence d’entreprises de construction capables de gagner des marchés publics de l’ordre de cinquante (50) millions de Dollars Américains en Haïti ou dans la région.

De ce point de vue, l’Etat haïtien comme d’autres Etats l’ont fait ou continuent de le faire doit fixer des contraintes ou des mécanismes afin que les entreprises étrangères pour gagner des marchés publics s’associent de façon effective aux firmes haïtiennes pour former des groupements d’entreprise ou de les avoir comme sous-traitants. D’autant plus, légalement, l’entreprise étrangère peut sous-traiter avec une ou des firmes locales qualifiées jusqu’au 40% du montant de son offre selon les dispositions de l’article 25-1 (loi du 10 juin 2009 fixant les règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de concession d’ouvrage de service public).


E-    Accès difficile aux crédits

Les entreprises de construction sont pour la majorité des PME, elles sont caractérisées par un faible niveau d’accès au système financier national. Le coût du loyer de l’argent en Haïti est certainement très élevé ; par conséquent, ces entreprises ont accès difficilement aux crédits puisqu’elles ne remplissent pas généralement les conditions requises pour l’obtention de ces derniers. D’autant plus, le marché de construction est aléatoire ; en fait, il est des périodes où le marché de construction est stagnant exception faite des constructions résidentielles. De ce fait, les entreprises haïtiennes ne bénéficient pas d’une longue période d’activités et par conséquent ne peuvent satisfaire des conditions de remboursement de prêt à long terme.

Face à une telle conjoncture, beaucoup d’institutions financières volent au secours des PME en instituant des programmes de développement et de promotion. Cependant, les conditionnalités des prêts constituent très souvent un obstacle  pour les PME, c’est le cas des demandes de garantie, de cash collatéraux, de titre de propriété pour octroyer des crédits aux entreprises sans compter la réticence des institutions créancières à financer les Start-up[8].

Les banques haïtiennes exigent de ces entreprises des garanties collatérales pour leur faire des crédits. Il existe des entrepreneurs qui vont jusqu’à hypothéquer leurs propres biens ou possessions pour trouver un prêt bancaire. De ce fait une bonne part du profit tiré de l’exécution du projet quelconque est grignotée ou partagée avec la banque. L’accumulation de capitaux en terme financier et d’équipement ne peut être faite dans de telles conditions. Par conséquent, les entreprise haïtiennes ne peuvent se développer au fil des ans jusqu’à dépasser les frontières d’Haïti. A ce titre, les entreprises haïtiennes pourraient toujours bien rentrer en compétition avec les entreprises de construction de la région considérant qu’Haiti est membre de certaines associations régionales comme la CARICOM. Cependant, une telle volonté restera un vœu pieux si ces entreprises haïtiennes ne répondent pas aux normes internationales.

F-    Faiblesse de Trésorerie

Du fait de leur faiblesse en trésorerie, les entreprises haïtiennes éprouvent beaucoup de difficultés à fournir les garanties exigées. Quelles sont les garanties exigées ? Elles sont généralement au nombre  de quatre (4) à savoir : garantie de soumission, garantie d’avance de démarrage, garantie de bonne exécution et rarement garantie décennale. Toutes ces garanties sont délivrées, à l’exception de la retenue de garantie, par des institutions financières telles que banques et compagnies d’assurance. La retenue de garantie comme son nom l’indique est une déduction faite à chaque fois qu’on paie les décomptes des travaux réalisés par les firmes et qui sera libérée à la réception définitive des travaux.
Pendant la soumission de l’offre, l’autorité contractante peut réclamer de l’entreprise soumissionnaire une garantie de soumission qui peut être un chèque de direction ou certifié de l’ordre d’un certain pourcentage de la soumission par exemple 1 à 3% du budget prévisionnel (réf : Art. 154 Arrêté précisant les modalités d’application  loi du 10 juin 2009 fixant les règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de concession d’ouvrage de service public). Pour débuter les travaux, l’entreprise attributaire doit donner une garantie bancaire égale au montant de l’avance. Cette avance  peut être fixée à 20 % du montant du marché. Dans le cas de marché à forte importation de biens, on peut aller jusqu’à 60 % du montant du marché. Il s’agit bien d’une garantie bancaire que les banques commerciales de la place ne délivrent pas sans collatéral et dont les PME ne disposent pas très souvent.

De plus, il est requis de fournir une garantie de bonne exécution devant sécuriser le respect des normes du marché et le paiement des fournisseurs de biens et services en cas de défaillances de l’entreprise. Elle varie de 5% à 10% du montant du marché. Si les Banques commerciales réclament, généralement, un collatéral élevé pour émettre ce document, les Compagnies d’assurances exigent qu’un pourcentage moindre soit déposée avant de donner suite à la demande de l’entreprise.

L’avance de démarrage peut ne pas répondre suffisamment aux besoins de l’entreprise compte tenu des dépenses à faire au début du démarrage des travaux. Dans ces conditions, une ligne de crédit bancaire s’avère nécessaire en vue d’un démarrage effectif des activités et garantie la poursuite des travaux même lorsque pour une raison quelconque l’entreprise n’est pas payée pendant quelques mois. En principe, même s’il y a un problème de paiement, les travaux ne doivent pas s’arrêter.
En fin de compte, la retenue de garantie vient réduire d’avantage les liquidités des entreprises. Elle est fixée entre 5 % et 10 % du marché.

Les garanties sont indispensables pour le maitre d’ouvrage mais constitue un fardeau que  les petites et moyennes entreprises de construction en Haïti arrivent difficilement à supporter. Il reviendrait donc à l’État de mettre en place une politique qui consiste à fournir l’accompagnement approprié aux entreprises nationales qualifiées. L’un des objectifs de cette politique serait la création d’un Fonds de garantie apte à servir de collatéral à leurs opérations de financement des marchés comme bon nombre du secteur le croient.

G- Indisponibilité des équipements lourds de construction
Le manque d’équipements lourds a toujours été un sérieux problème pour les entreprises haïtiennes de construction.  Il leur est difficile souvent de trouver, même en location, les équipements lourds de construction indispensables dont elles ont besoin pour  la poursuite de leurs activités de chantier. Des retards dans l’avancement des travaux  peuvent certainement en découler.

En réalité, dans le secteur de la construction, il fait obligation aux firmes de démontrer qu’elles peuvent assurer la mise à disposition en temps voulu (qu’elles possèdent, louent, prennent à bail, [...]) des équipements lourds et matériels essentiels comme : engins de démolition, de terrassement et de déblaiement, véhicules légers et camions, matériel et outillage pour travaux en PEHD. Pour cela, les firmes doivent avoir une certaine facilité.

Un parc en équipements accessibles aux entrepreneurs parait être une solution à ce problème. L’important c’est de rendre disponibles les engins lourds aux entreprises. Les modalités importent peu qu’il soit du type Centre National d’Equipement (CNE) repensé ou autre, pourvu que cela marche.

Voila en quelque sorte des conjonctures désavantageuses qui jonchent l’espace de fonctionnement des PME haïtiennes. Cependant, le mécanisme de mutualisation peut les aider à passer ce moment difficile en ce sens qu’il pourrait apporter une bouffée d’air frais permettant aux entreprises de combler certaines lacunes lors de l’étape de la soumission à un dossier d’appel d’offres.

2-    L’esprit de la « mutualisation des entreprises »
Aujourd’hui, l’heure est à l’innovation et à la créativité qui constituent un formidable bouclier surtout dans un milieu hostile à l’investissement. Puisqu’il en est ainsi, les entreprises haïtiennes doivent être créatives, efficaces et efficientes pour pouvoir conserver ou développer leur compétitivité. Pour ce, il leur faut une capacité d’adaptation, l’un de leur atout majeur pouvant garantir leur survie. C’est dans cette perspective que nous circonscrivons le sens de la thématique «  mutualisation des entreprises »
La mutualisation, selon l’auteur Brigitte DUJARDIN, est un néologisme qui traduit l’idée de « mise en commun des moyens qui répond d’abord à une logique économique[9] ». De cette définition, il est facile de comprendre, dans le cas nous concernant, que la mutualisation des entreprises ne saurait être que la mise en commun de leurs moyens et leurs compétences lors d’une réponse à un appel d’offre. Dans cette lignée, les entreprises se regroupent dans un esprit partenarial et à des fins de partage des bénéfices. Alors, les termes classiques utilisés pour traduire cette réalité est le « Groupement d’entreprises ou la Cotraitance et la sous-traitance» qui  sont identifiés comme l’un des mécanismes de promotion des PME  au niveau des dispositions de la loi du 10 juin 2009 fixant les règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de concession d’ouvrage de service public.

D’entrée en jeu et dans le souci d’être plus clair, il est de bon ton de distinguer la Cotraitance de la sous-traitance, car les deux ne renvoient pas à la même réalité ou logique juridique et organisationnelle. En fait, si la sous-traitance est le fait pour un titulaire d’un contrat de marchés publics de confier certaines parties de l’exécution du marché à une entreprise avec l’autorisation de l’autorité contractante[10]; la Cotraitance ou groupement d’entreprises traduit de préférence la situation dans laquelle plusieurs candidats se rejoignent pour concourir à l’obtention des marchés publics[11]. Dans le cadre de ce texte, c’est la Cotraitance qui nous intéresse et qui en fait l’objet.

3-    Catégorisation du Groupement d’entreprises au sens de la législation haïtienne
Suivant les termes de la loi du 10 juin 2009 fixant les règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de concession d’ouvrage de service public, il existe deux formes de groupement d’entreprises : groupement solidaire et groupement conjoint.

Dans le cas de groupement conjoint, chacun des membres s’engage à exécuter une ou plusieurs parties du marché clairement identifiées quant à leur nature et leur prix, sans encourir de responsabilité quant à l’exécution des autres parties du marché (Cf. Article 24.2 de la loi du 10 juin 2009).

Par contre, le groupement solidaire renvoie à l’idée où chacun des membres s’engage pour la totalité du marché. En ce sens que chaque membre doit pallier à une éventuelle défaillance de ses partenaires au cours de l’exécution du contrat (Cf. Article 24.1 de la loi du 10 juin 2009).

Cet aménagement de la législation haïtienne sur la passation des marchés publics, aussi souple qu’il soit, constitue un facteur non négligeable pour la promotion et le développement des Petites et Moyennes Entreprises (PME) tenant compte des difficultés de toutes sortes auxquelles ces dernières font face.

4-    Opportunités pour les entreprises haïtiennes de construction de se regrouper
Il est intéressant, sommairement, d’identifier quelques avantages pour une entreprise de soumissionner sous forme de groupement solidaire ou conjoint dans le cadre d’une réponse à un appel d’offres.

In limine litis, il convient de faire remarquer que la législation haïtienne en matière de passation des marchés publics ouvre librement la voie, vraiment sans aucune condition préalable, aux entrepreneurs, aux fournisseurs et aux prestataires de service de présenter leur candidature ou de soumettre leur offre sous forme de groupement sous réserve de respecter les règles interdisant les entraves à la concurrence. Donc, c’est à l’entreprise de choisir de soumissionner seul ou en groupement.

Alors, être en groupement permet une réduction des coûts financiers relatifs à la participation aux procédures et une simplification des difficultés au cours de la phase d’exécution des travaux ou réalisation des prestations puisqu’il y a la mise en commun des moyens financiers, humains et des compétences des entreprises.

Ensuite, la mutualisation permet de répondre aux exigences de « qualité de service » et facilite la réactivité de l’entreprise dans un temps record. Du coup, cela permet aussi aux entreprises de participer aux achats publics complexes.  Enfin, il va s’en dire que la mutualisation peut entraîner la pérennisation des entreprises en difficulté ou en recherche d’optimisation.

Voyant l’état déplorable et considérant les difficultés de toutes sortes auxquelles sont confrontées quotidiennement les entreprises haïtiennes, il est clair que ces dernières sont prises dans une spirale d’échec et qu’il leur est difficile de s’en sortir ; si bien que cela fait longtemps qu’elles pataugent dans ce marasme. Aujourd’hui, le développement du secteur de la construction repose sur le dos des entreprises haïtiennes. De ce fait, il revient aux entrepreneurs de prendre les décisions adéquates et à l’Etat de bien définir la politique d’achat public ou commande publique comme un levier au service du développement économique du pays. Car, c’est dans une mise en commun des capacités de tous les acteurs que le pays trouvera le chemin du développement durable et de la bonne gouvernance.

Les auteurs:

Alix AURELIEN, Ing. Msc.
Expert en passation de Marchés et Spécialiste en irrigation

Me. Ronaldo JOANIS, SPM
Professeur de Droit des Marchés Publics (Université Notre Dame d’Haiti)
Juriste publiciste (spécialisé en Droit Public)





[2] Lionel J DUVALSAINT : « Le processus de Passation des marchés et l’exécution des Contrats de construction », texte publié au quotidien LeNouvelliste en mars 2012 et disponible sur le site : http://www.haitinumerique.com/Le-processus-de-Passation-des.html?lang=fr, consulté le 05/04/2014

[3] Charte d’éthique et d’intégrité, disponible sur le portail de l’AHEC : http://www.ahec.org.ht/#, consulté le 05/04/2014
[4]Lionel J DUVALSAINT, op.cit
[5] Les firmes haïtiennes n’inspirent-elles pas confiance ?, disponible sur le site LeNouvelliste : http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/129020/Les-firmes-haitiennes-ninspirent-elles-pas-confiance.html, consulté le 05/04/2014
[6] Rapports préliminaires de l’enquête sur les PME en Haiti, rendus publics en janvier 2014 et disponibles su MCI
[7] Les firmes haïtiennes n’inspirent-elles pas confiance ?, disponible sur le site LeNouvelliste : http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/129020/Les-firmes-haitiennes-ninspirent-elles-pas-confiance.html, consulté le 05/04/2014
[8] Les entreprises en phase de démarrage
[9] Dujardin, Brigitte. « Mutualiser pour répondre à de nouveaux besoins ». Bulletin des bibliothèques de France [en ligne], n° 5, 2006 [consulté le 19 mars 2014]. Disponible sur le Web : <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2006-05-0101-010>. ISSN 1292-8399.
[10] Article 25 de la loi du 10 juin 2009 fixant les règles générales relatives aux marchés publics et aux conventions de concession d’ouvrage de service public ; disponible sur le portail de la CNMP : (http://www.cnmp.gouv.ht/)
[11] Article 24 de la même loi.

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