Le Guide électoral du Citoyen Haïtien

Le Guide électoral du Citoyen Haïtien
(Education civique)


1.     Qui est Citoyen Haïtien[1] ?

La Constitution Haïtienne du 29 mars 1987, en son article 16, définit la qualité de Citoyen : c’est la jouissance et l’exercice des droits civils et politiques.

Droits civils : « Ce sont les droits conférés à tous les membres d’une société, quels que soient leur âge, leur sexe, leur nationalité. »[2]

Exemples de droits civils

-          Le droit à la non-discrimination
-          Le droit à un environnement sain

Droits politiques : « Les droits politiques sont les droits que possède tout citoyen de participer à la vie politique de son pays ».[3]

Exemples de droits politiques

-          Le droit de se porter candidat à une élection
-          Le droit de voter pour un candidat de son choix

En principe chaque Haïtien, dès l’âge de 18 ans accomplis, jouit des droits civils et politiques sur le territoire haïtien.[4]

Etre Haïtien : On peut naître Haïtien (par le sang) ou le devenir (par acquisition).

A.      Haïtien par filiation avec un parent Haïtien (système du jus sanguinis)

On a la nationalité haïtienne d’origine, autrement dit, on est né Haïtien, si au moins:

-          sa mère est née Haïtienne
-          ou son père né haïtien

Dans l’un ou l’autre des deux cas, le parent Haïtien ne devait jamais renoncer à sa nationalité haïtienne au moment de la naissance de l’enfant.[5]

B.      Haïtien par acquisition

La loi constitutionnelle de 2011 révisant la Constitution du 29 mars 1987 renvoie à une loi d’application pour établir les conditions dans lesquelles un individu peut devenir Haïtien.[6]


2. Que signifie « élection » ? Pourquoi voter ?

-L’élection c’est un mécanisme de la démocratie représentative. Pour des raisons de commodité, ce mécanisme remplace celui de la votation qui prévalait à Athènes dans la Grèce Antique.

-L’élection permet aux Citoyens de choisir librement certains d’entre eux en vue de les représenter dignement et efficacement, pour une durée déterminée à l’avance dans la Constitution, pour la conduite des affaires de la communauté.

-Une élection met en présence des Citoyens votants et des Citoyens candidats. Les premiers élisent librement les seconds en vue de les représenter au pouvoir. 

-Chaque Citoyen Haïtien en âge de voter (18 ans accomplis) est un potentiel votant. Il est considéré comme un votant quand il a pris part effectivement au scrutin, c’est-à-dire quand il a effectivement élu un ou plusieurs candidat (s) pour le représenter. Cette participation réelle à l’élection suppose préalablement que le nom du Citoyen ait figuré sur les listes électorales, auquel cas il est un électeur inscrit. Quand le pourcentage des votants est élevé par rapport aux électeurs inscrits, on enregistre une forte participation électorale. Ce qui confère aux élus une légitimité certaine pour diriger.

-En vertu de ce qui précède, un Citoyen sans document d’identification et/ou non enregistré ne peut pas voter. Pour voter, le Citoyen Haïtien est identifié par sa Carte Nationale d’Identification (CIN). L’Office Nationale d’identification (ONI) est chargée d’accorder aux Citoyens cette carte d’identification. C’est une carte biométrique contenant l’empreinte digitale du Citoyen, pour raison de sécurité.   

-Grâce au pluralisme idéologique, une élection est une occasion en or donnée au Citoyen  de choisir l’orientation politique de son pays, de sa municipalité ou même sa section communale. Il peut la maintenir ou la changer. En choisissant, avec son bulletin de vote, tel ou tel candidat plutôt que tel autre, le Citoyen choisit tel ou tel projet de société, il dessine comme un peintre son présent et l’avenir des générations futures. D’où la nécessité de fonder son choix sur la rationalité.  

-Les Citoyens posent un acte de souveraineté en élisant un ou plusieurs candidats. Donc personne, ni aucun Gouvernement ni puissance étrangère n’est fondé à changer le sens du vote des Citoyens. Ces derniers sont maitres et seigneurs de leur choix ; personne ne peut en juger.


3. Qui peut voter ou se porter candidat ?

En principe, chaque Citoyen Haïtien a le droit de participer à la vie politique de son pays, une fois en pleine possession de sa capacité juridique.

La majorité électorale, c’est-à-dire l’âge minimum requis pour voter en Haïti est de 18 ans accomplis. Donc tout Citoyen Haïtien jouit du droit de voter pour élire un candidat. Il suffit que son nom soit figuré sur les listes électorales pour pouvoir exercer ce droit. Voter est un devoir civique.

En revanche, pour se porter candidat à une élection, la Constitution exige une maturité supérieure au minimum exigé pour simplement voter. L’âge est le critère retenu. Ainsi,

-          Pour être Candidat-Président, faut-il s’assurer d’avoir 35 ans accomplis au jour des élections.
-          Pour être Candidat-Sénateur, faut-il s’assurer d’avoir 30 ans accomplis au jour des élections.
-          Pour être Candidat-Député, faut-il s’assurer d’avoir 25 ans accomplis au jour des élections.
-          Pour être Candidat-Conseiller Municipal, faut-il s’assurer d’avoir 25 ans accomplis au jour des élections.
-          Pour être Candidat-Conseiller d’Administration de la Section Communale, faut-il s’assurer d’avoir 25 ans accomplis au jour des élections.

Le décret électoral de 2015, traçant les règles de la compétition électorale, fixe dans les moindres détails tout ce dont un Citoyen Haïtien a besoin comme pièces pour se porter candidat. En cas de doute, le Citoyen Haïtien a le droit de s’adresser, pour de plus amples informations, au Conseil Electoral Provisoire (CEP), chargé d’organiser et de contrôler, dans tout le pays, toutes les opérations électorales.[7]


4.     Pour qui voter ?

Le Citoyen vote sans contrainte pour le candidat de son choix. De plus, le vote est secret. Donc il n’est tenu de révéler à personne le nom du candidat pour lequel il va voter ou il a voté. C’est un droit dont jouit le Citoyen de garder l’anonymat dans le vote (art. 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme faisant partie de notre bloc de constitutionnalité).   

5.     Quelles sont les attributions constitutionnelles de nos représentants directs ?


Au niveau central 

I. Le Président de la République

En contrepartie d’une indemnité mensuelle, des honneurs, des privilèges et des avantages, le Président de la République se doit d’assumer les responsabilités de la fonction présidentielle pour faciliter le vivre ensemble, le mieux être et la sécurité de son peuple:

A.      Sur le plan de la préservation de l’Etat de droit

A-1. Le Président de la République veille au respect et à l’exécution de la Constitution (art. 136).

A-2. Il nomme les Juges constitutionnels (art. 190).

A-3. Il saisit, a priori,  le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité des lois.[8]

B.      Sur le plan du renforcement des institutions publiques et de la démocratie

B-1. Le Président de la République veille à la stabilité des institutions et assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics (art. 136).

B-2. Il participe au choix des Conseillers électoraux (art. 192).

C.      Sur le plan purement politique

C-1. Le Président de la République doit choisir le Premier Ministre. Suivant la configuration du Parlement, il le fait seul ou en consultation avec le Président du Sénat et celui de la Chambre des Députés (art. 137).  

C-2. Il préside le Conseil des Ministres (art. 154).

C-3. Il choisit les Ministres en accord avec le Premier Ministre (art. 158). 

D.     Sur le plan diplomatique

D-1. Le Président de la République négocie et signe tous traités, conventions et accords internationaux[9] (art. 139).

D-2. Il accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires auprès des pays étrangers (droit de légation actif).

D-3. Il reçoit les lettres de créance des Ambassadeurs des pays étrangers et accorde exéquatur aux Consuls (droit de légation passif).

E.      Sur le plan militaire et de la sécurité publique

E-1. Sous approbation de l’Assemblée Nationale, il déclare la guerre, négocie et signe les traités de paix (art. 140).

E-2. Après délibération en Conseil des Ministres, puis approbation du Sénat, le Président de la République nomme le Commandant en Chef des Forces Armées et celui de la Police (art. 141).

E-3. Le Président de la République est le Chef des Force Armées d’Haïti.[10]

E-4. Il est responsable de la défense nationale, de concert avec le Premier Ministre (art. 159-1).

E-5. Le Président de la République peut déclarer l’état de siège, dans les conditions et limites fixées par la Constitution (arts 278-1 et suiv.).

F.      Sur le plan législatif et de la vulgarisation du droit

F-1. En qualité de Chef du Pouvoir Exécutif et Président de droit du Conseil des Ministres, le Président de la République joue un rôle prépondérant dans l’exercice du droit d’initiative législative accordée au Pouvoir Exécutif (art. 111-1).  

F-2. Le Président de la République jouit du droit d’objection contre une loi votée par le Parlement. En l’exerçant, il demande une nouvelle délibération de la loi en question (arts 121 et suiv.).

F-3. Le Président de la République peut convoquer le Parlement en session extraordinaire, s’il y a urgence (arts 105 et suiv.).
F-4. Il promulgue les lois et les fait publier dans le Journal Officiel de la République, le Moniteur.

G.      Dans le domaine de la Justice

G-1. Le Président de la République veille à l’exécution des décisions judiciaires (art. 145).

G-2. Il jouit du droit de grâce et de commutation de peine (art. 146).

G-3. Il a le droit d’amnistier en matière politique (art. 147).

G-4. Il nomme les Juges de la Cour de Cassation (175).

H.     Dans le domaine de l’information

Le Président de la République est tenu d’adresser un message solennel à la Nation sur l’état général du pays, au deuxième lundi de janvier de chaque année,  à l’occasion de l’ouverture de la première session législative annuelle (art. 151).  

II. Les parlementaires : les Sénateurs de la République et les Députés du Peuple

Les parlementaires sont les représentants que les Citoyens chargent de les représenter au Parlement, haut lieu de débats, siège du vote de la loi et de contrôle de l’action gouvernementale. Les parlementaires sont les Sénateurs de la République et les Députés du Peuple.

Le Sénat et la Chambre des Députés sont les deux corps du Parlement. Les Citoyens  élisent directement les parlementaires lors des élections législatives et ces derniers sont payés par le Trésor Public pour assumer les principales responsabilités suivantes :

a.       Proposer des lois sur tout problème d’intérêt général.

b.      Discuter, amender et voter les propositions de lois des parlementaires et les projets de lois soumis au Parlement par le Pouvoir Exécutif.

c.       Venir aux séances et participer activement aux débats afin que le quorum soit atteint et que le Peuple comprenne les enjeux des problèmes nationaux et évalue le fondement de la position politique de ses mandataires au Parlement. 

d.      Valider l’action gouvernementale en ratifiant la politique générale du Gouvernement soumis au Parlement par le Premier Ministre nommé.
e.       Evaluer, contrôler et le cas échéant, censurer l’action gouvernementale en questionnant et en interpellant le Premier Ministre ou un autre membre du Gouvernement.

f.        Rapporter sur la gestion des Ministres et leur donner décharge, le cas échéant (art. 233).

g.       Voter à temps le budget national, afin de donner au Gouvernement les moyens de sa politique.

h.      Approuver, le cas échéant, la déclaration de guerre du Président de la République.

i.         Approuver la négociation et la signature des traités de paix par le Président de la République.

j.         En cas de guerre civile ou d’invasion étrangère, statuer sur l’opportunité de l’état de siège et de l’État d’urgence, de leur renouvellement et jouent le rôle de vigiles des libertés individuelles.

k.       Recevoir le bilan des activités du Gouvernement à l’ouverture de chaque session législative (2ième lundi de janvier et 2ième lundi de juin).

l.         Engager solennellement l’Etat sur la scène internationale en ratifiant les conventions et traités internationaux.

m.    Réviser la Constitution.

n.      Concourir à la formation du Conseil Electoral Permanent (CEP), à la nomination du Président Provisoire (arts. 98-3, 149), à la formation du Conseil Constitutionnel.

o.      Recevoir solennellement le serment constitutionnel du Président de la République (nos mandataires au Parlement sont les témoins privilégiés de la prise en charge des fonctions présidentielles du Président de la République élu).

p.      Enquêter, en corps, sur toutes les questions dont ils sont saisis. 

q.       Mettre en accusation, juger et destituer, entre autres, le Président de la République, en cas de crime de haute trahison.



Que devons-nous attendre de nos mandataires au niveau de la Municipalité ?

 Les Conseillers Municipaux (Maires et Maires-Adjoints)

Les Citoyens de chaque Commune élisent un Conseil de trois membres (1 Maire et 2 Maires-Adjoints) en vue de la diriger, la gérer, et administrer ses ressources. Ce sont des décideurs et managers locaux. Ils doivent aussi s’assurer de la gestion des biens fonciers du domaine privé de l’État situés dans les limites de leur Commune.

Ils sont les premiers Citoyens de leur Commune et devraient donc témoigner d’un comportement digne de la fonction.

Par ailleurs, ils sont chargés de mettre en valeur les spécialités de leur Commune et doivent s’assurer de son développement endogène.

Par l’intercommunalité, ils pourraient renforcer la visibilité et les capacités de leur commune en développant des partenariats avec d’autres communes voisines dans plusieurs domaines. Exemple : Pétion-ville, Delmas, Port-au-Prince et Tabarre définissant ensemble une politique commune dans un domaine stratégique considéré.

Par leur dynamisme, ils pourraient même obtenir des jumelages avec des communes à l’étranger en vue des échanges dans plusieurs domaines. 

Par conséquent, les Citoyens ont intérêt à voter pour des candidats patriotes, bien éduqués, localement impliqués et dynamiques pour confier la direction et la gestion de leur commune.

En Haïti, avec ses lots de problèmes et limites, il est plus facile de penser et de réaliser le développement durable à l’échelle communale qu’à l’échelle nationale, en misant principalement sur le partenariat et le régionalisme. Donc, les Citoyens ont un rôle déterminant à jouer dans le développement de leur pays avec leur bulletin de vote dans les prochaines élections municipales.

(A suivre…)


6.     Quelle est la durée du mandat de nos élus

Nous élisons le Président de la République pour cinq ans, les Sénateurs pour six ans, les Députés pour quatre ans, les Conseillers Municipaux pour quatre ans et les membres du CASEC pour quatre ans.

Voter c’est décider de son présent, de son avenir et de celui des générations futures. Soyez conscients de cette lourde responsabilité !


Me. Destin Jean
Professeur de droit constitutionnel à l’Université Notre Dame d’Haïti
Membre de l’Observatoire Haïtien du Droit Public et des Politiques Publiques
Master 2 en Droit Public et en Administration Publique (France)
Membre de la Fédération des Barreaux d’Haïti
Coordonnées : destin.jean@hotmail.fr / (+509) 3443-8889
  





[1] Pour éviter que le texte devienne lourd, nous avons utilisé le terme Citoyen pour parler indifféremment d’hommes ou de femmes, sachant que les Citoyens des deux sexes peuvent aussi valablement voter et/ou se porter candidats. Vive l’équité de genre!
[2] FUROIS, Sylvie. “Le dico du citoyen”, les Editions Milan, 1998, page 101.
[3] Idem, page 102.
[4] Cf. Constitution du 29 mars 1987, art. 17 et Code civil haïtien, art. 398.
[5] Id., art. 11
[6] id., art. 11.1
[7] Id., art. 191
[8] Cette saisine n’est pas obligatoire (art. 190, al. 5 de la Constitution.)
[9] En revanche, pour la négociation et la signature des traités de paix, le Président de la République doit avoir l’approbation de l’Assemblée Nationale (art. 140).
[10] Même s’il ne doit jamais les commander en personne. 

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